Le défi du recrutement dans un marché de l'assurance en tension
Catastrophe sanitaire sans équivalent dans l’époque moderne, l’épidémie de Covid-19 a aussi constitué un choc économique terrible du fait des confinements décidés partout sur la planète. Une tribune de Vanessa Dalas, Associée Leader de la practice Assurance.
Catastrophe sanitaire sans équivalent dans l’époque moderne, l’épidémie de Covid-19 a aussi constitué un choc économique terrible du fait des confinements décidés partout sur la planète.
A ce choc a succédé dans un premier temps un puissant rebond de la croissance, mais aussi une montée des incertitudes avec la flambée inflationniste et un changement dans le fonctionnement des entreprises, entrainé notamment par le développement du télétravail et des outils numériques. De tels événements ont entraîné des conséquences importantes sur le marché du travail, tant en raison du volume exceptionnel des offres d’emplois proposées post-confinement que des attentes nouvelles des candidats. Le secteur de l’assurance n’a pas échappé à ce mouvement, ce qui requiert pour les professionnels du recrutement une adaptation et une pédagogie accrues.
Une rencontre en présentiel reste un « must have » d’un recrutement réussi
Pendant le confinement, l’activité de recrutement s’est poursuivie malgré de fortes contraintes grâce aux entretiens en visioconférence. Si un dialogue en ligne ne peut prétendre à donner une qualité d’échanges équivalente à celle d’une réunion en présentiel, il permet néanmoins de progresser dans la compréhension réciproque des besoins et des attentes, et peut constituer une phase utile pour le candidat comme pour le recruteur. Mais le tout écran rencontre vite des limites : il engendre des candidats moins engagés et ne permet pas de s’assurer d’une adhésion complète au poste proposé. C’est pourquoi la fin des confinements s’est traduite par le retour progressif des réunions en physique. Aujourd’hui, le retour du présentiel s’impose majoritairement pour les entretiens d’embauche. Il témoigne d’un acte fort de la part du candidat qui se traduira par son implication dans la suite du processus d’embauche.
Un marché du recrutement dans le secteur de l’assurance en pleine évolution
Pour autant, la situation reste différente de celle qui prévalait dans l’avant-pandémie. Tout d’abord, l’activité redevient très importante puisque les chiffres de 2018 sont égalés, voire dépassés pour les cadres de direction. De nombreux postes ont été ouverts dans les sociétés d’assurance, et 17.100 recrutements ont été réalisés en 2021, un record ! Couplée à un besoin de changement des salariés, cette frénésie génère beaucoup de mouvement. A côté de cet effet volume, les profils les plus recherchés ont également tendance à évoluer. Les acteurs de l’assurance recherchent notamment des candidats dotés d’une expertise de l’expérience-client pour mettre sur pied une relation clients sans couture ou du marketing prédictif, ce qui suppose une bonne maîtrise des outils digitaux ; les CDO et les CIO restent également très réclamés grâce à leur solide socle technique sur la donnée : avec un volume de données toujours plus grand à exploiter, les acteurs de l’assurance doivent avoir les moyens humains d’exploiter cette richesse numérique.
Sur des profils haut de gamme, il est attendu du candidat une compréhension globale des enjeux, une capacité à assurer plus de transversalité pour « désiloter » le fonctionnement de l’entreprise, ce qui réclame une capacité à travailler en réseaux et en mode projet plutôt que sur une approche exclusivement hiérarchique. Il faut enfin des candidats capables de promouvoir et de conduire la transformation. Au-delà des compétences techniques, ce défi réclame un véritable talent pédagogique pour faire comprendre le pourquoi des mesures adoptées et éviter ainsi les blocages. C’est donc une large palette de compétences qui est réclamée !
Elargir l’horizon de recherche
Pour trouver ces profils, les acteurs de l’assurance n’hésitent plus à capter des talents partout, dans l’industrie ou les services par exemple. Il s’agit d’attirer plus de candidats pour augmenter les chances de tomber sur la perle rare, mais aussi d’éviter l’entre-soi pour s’oxygéner et trouver de nouvelles idées, favoriser l’innovation, obtenir une manière différente d’aborder les sujets ; une exigence d’autant plus forte que l’hyper réglementation de l’activité et la prolifération des processus qu’elle induit peut entraîner des conduites routinières néfastes. Cette ouverture peut se faire aussi en direction de profils atypiques. Des candidats dont l’originalité du parcours de vie, la riche expérience extra-professionnelle procurent une profondeur de vues et d’analyse précieuse pour une entreprise. En effet, l’altérité rime également avec l’innovation et introduit de nouvelles façons de penser. Bien sûr, cette diversité doit aussi se concrétiser dans la parité hommes-femmes qui, quand elle n’est pas atteinte, se traduit souvent par des performances décevantes, notamment sur des critères extra-financiers dont l’importance ne cesse de croître.
Des blocages qu’il faut savoir déjouer
Il reste des difficultés pour ajuster dans ce contexte de tension les demandes des entreprises avec les attentes des candidats. Côté employeurs, la rémunération proposée ne correspond pas toujours au marché. Il faut calibrer les postes à leur juste niveau de marché, en jouant à la fois sur le salaire fixe, qui rémunère la compétence, et sur le variable qui récompense l’atteinte des objectifs. Le but reste de parvenir à une approche gagnant/gagnant, un cabinet de recrutement a aussi pour rôle de déterminer cet équilibre.
Il faut aussi s’assurer de la réactivité de l’employeur, car un parcours d’embauche trop long, des réponses qui ne viennent pas risquent de provoquer la perte du candidat qui fera un autre choix. Côté candidats justement, certaines exigences peuvent aussi soulever des problèmes. Ainsi du télétravail qui est considéré comme un droit : certains considèrent que l’entreprise doit aujourd’hui s’adapter au mode de vie des salariés. Il y a là certainement un excès, car si le télétravail doit pouvoir perdurer, il doit aussi se faire sans nuire au bon fonctionnement de l’entreprise et au nécessaire travail d’équipe. Ceci suppose des accords qui en définissent les conditions et les limites et prennent en considération les contraintes de l’ensemble des collaborateurs.
La quête de sens favorise les mutuelles et les groupes paritaires
D’autres évolutions s’avèrent plus positives. Les candidats réfléchissent à présent plus en profondeur en amont de l’entretien d’embauche, dès lors quand ils entament les rendez-vous, ils sont prêts et se désistent moins souvent. Cette réflexion est sous-tendue par une demande de sens, un équilibre vie professionnelle/vie personnelle reconsidéré qui les portent sur des structures auparavant moins attractives. Ainsi, des mutuelles et organismes paritaires attirent aujourd’hui de nouveaux profils.
Leur ADN qui fait primer les valeurs de partage, de solidarité, de protection parlent aux nombreux candidats qui souhaitent concilier vie active et engagement social. Cette question du sens, qui s’avère aussi une exigence nouvelle de la part du candidat sur la qualité du poste, doit conduire l’entreprise à jouer la transparence sur le profil du poste et à s’engager pour bien intégrer ses nouveaux collaborateurs afin que la greffe prenne. En face, il faut que le salarié se mobilise, qu’il accepte de désapprendre pour travailler de manière différente, en acceptant de se tromper. Il reste des progrès à faire en France sur ce sujet où accepter l’erreur, et l’assumer, n’est pas culturellement promu.
Ces évolutions dessinent quoi qu’il en soit un nouveau rapport au travail pour les salariés et les acteurs de l’assurance intègrent peu à peu ce contexte. Mais l’inflation et la guerre en Ukraine pourraient dans les mois à venir rebattre les cartes, de quoi rééquilibrer le rapport de force entre candidats et recruteurs.
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Date de publication : 21/12/2022